Quebec Anti-Corruption Unit Report on Criminal Collusion in the Road Construction Industry

This report was first obtained and published by Radio Canada.  For an overview of its contents, see:

Mafia, Biker Gang Criminal Cartels Conspire to Control Road Construction Contracts in Quebec

 Le rapport de l’Unité anticollusion

  • 72 pages

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3.1 La collusion en général

Afin de se donner la maîtrise d’un phénomène, il faut d’abord le nommer. Qu’entend-t-on exactement par collusion, quelle en est la résultante et en quoi se distingue-t-elle de la corruption ? La collusion est un jeu secret. Dérivant d’un verbe latin composé de ludere (jouer) et de cum (avec), le terme de collusion rend l’idée d’un jeu caché, pratiqué à quelques-uns, à l’encontre de ceux qui ne sont pas dans le secret.

La collusion est une entente frauduleuse. Les partenaires de collusion — pour lesquels on pourrait proposer le néologisme de collusionnaires — manoeuvrent à l’insu de ceux qu’ils écartent et qui, eux, persistent à jouer selon les règles établies. La connivence des premiers a d’abord pour effet de nuire à tous ces exclus.

La collusion est un pacte néfaste. Sur un marché, qu’il soit public ou privé, on parle de collusion lorsque des firmes s’entendent pour décrocher un contrat, ou réaliser des profits supérieurs à ceux qu’elles devraient obtenir en situation de concurrence. Les conséquences sont particulièrement dommageables pour le client et affectent également les exclus du marché.

En somme, la collusion qualifie le comportement d’individus ou d’entreprises qui passent des accords, s’entendent ou se concertent pour prendre des décisions de marché, le plus souvent concernant leur tarification, dans le dessein de limiter, d’entraver ou de fausser le libre jeu de la concurrence. Les décisions dont il est question consistent notamment à s’entendre sur le prix des contrats, à procéder à des soumissions concertées, à se partager des marchés et à désigner qui remportera l’appel d’offres. De même, on prévoit une compensation pour les complices qui lui auront laissé le champ libre, soit en ne répondant pas à l’appel d’offre, soit en s’écartant par une soumission plus élevée. Nous aurons bientôt l’occasion d’y revenir.

La collusion se distingue de la corruption mais, plus souvent qu’autrement, ces deux réalités coexistent, s’entremêlent, voire s’épaulent.

=> La corruption résulte du comportement d’un corrupteur, qui soutire un avantage indu ou des prérogatives particulières, et de l’attitude d’un corrompu qui profite de sa position de responsabilité, consent à agir contre le devoir de sa charge et accepte d’en être récompensé. À l’issue de cet acte répréhensible, la situation est corrompue de manière durable et irréversible.

=> La collusion vise, quant à elle, à préparer la prise de contrôle d’un marché en bernant des décideurs qui ne sont pratiquement jamais impliqués. Elle n’est donc pas le terme mais le point de départ d’un projet condamnable, certes, mais qui pourrait s’avérer ponctuel et réversible.

Or tout ne s’arrête pas là. Il peut y avoir de la corruption en appui préalable à des ententes collusoires, tout comme la collusion réussie peut engendrer elle-même de la corruption. Diverses pratiques douteuses [fraude, extorsion] entrent alors en jeu, depuis les pressions personnelles [intimidation, menaces, violence] et l’abus de pouvoir [ingérence, trafic d’influence, favoritisme, malversation, concussion, prévarication] jusqu’à la circulation illégale d’argent [paiements au noir, pots-de-vin, financement illégal, fausse facturation, évasion fiscale, blanchiment] qui sert la cupidité de ceux qui s’y adonnent. Tout cela est inquiétant.

Voyons maintenant ce qu’il en est de la collusion sur les marchés publics, lorsque le client est un organisme gouvernemental et que ce sont tous les contribuables qui paient.

3.2 La collusion dans l’industrie de la construction routière

Quand la construction va, tout va. Non seulement s’agit-il d’une industrie dont la vitalité est un indice sûr de l’état de l’économie, mais en période de récession, on misera prioritairement sur elle pour nourrir la relance. Sans doute que la parution, en octobre 2007, du Rapport de la Commission d’enquête sur le viaduc de la Concorde aura ajouté à la nécessité de cet essor pour ce qui est des infrastructures routières.

Le ministère des Transports du Québec signe de plus en plus de contrats puisque le volume de ses travaux est en pleine croissance. Sa planification quinquennale fait état de plus de 4 000 projets routiers qui en sont à différentes étapes de préparation. En moyenne, seulement pour les travaux de construction, plus de 700 nouveaux contrats sont octroyés annuellement’.

Or dans ce contexte d’externalisation croissante des dépenses de l’État dans ce secteur d’activités, on craint que des entreprises concluent entre elles des ententes secrètes à leur bénéfice, mais qui sont préjudiciables au bien public. On parle ici de collusion entre quelques joueurs majeurs de l’industrie, ce qui permet une prise de contrôle occulte du processus d’attribution des contrats de sous-traitance, réservés alors à quelques initiés. Et si la collusion prend une telle importance dans le domaine particulier de la construction routière, c’est sans contredit en raison du caractère massif et continu des investissements qui y sont faits et qu’on nous annonce encore pour les années à venir.

Dans son vaste programme de réfection d’infrastructures, le gouvernement québécois a d’ailleurs prévu des investissements de 16,2 milliards de dollars pour le redressement du réseau routier’.

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